Programme EVE : clap de fin… et nouveau départ pour la décarbonation du transport et de la logistique.
Le 16 octobre 2025, la Bibliothèque François-Mitterrand (Paris) a accueilli la 6ᵉ et dernière édition des Rendez-vous du transport et de la logistique éco-responsables, organisée par le Programme EVE – Engagements Volontaires pour l’Environnement.
Un événement à la fois rétrospectif et prospectif : huit ans d’engagement collectif pour décarboner le transport et la logistique, 15 entreprises récompensées pour leurs performances environnementales, et un cap qui se dessine pour 2026.
Alors que le financement par les Certificats d’Économies d’Énergie (CEE) touche à sa fin, cette édition a marqué une transition décisive pour le dispositif et pour la filière.
Retour sur un programme qui a fait école — et sur ce que son héritage annonce pour la suite.
Témoignage
Le dernier rendez-vous EVE comme si vous y étiez en format podcast.
Transport et logistique : l’urgence d’agir.
Si la décarbonation est sur toutes les lèvres, le transport reste néanmoins le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre en France, avec près de 31 % des émissions nationales, dont 16 % issues du transport de marchandises.
Nos modes de consommation n’y sont pas pour rien. En 1960, chaque habitant faisait transporter environ 2 000 tonnes de marchandises par an. En 2025, ce chiffre a plus que doublé pour atteindre 5 000 tonnes.
Et pour se nourrir, un Français fait parcourir près de 1 420 km à une tonne de denrées chaque année.
« Activons tous les leviers, ne les opposons pas ».
François Gemenne, co-auteur du GIEC, co-fondateur de l’Alliance pour la décarbonation de la route et invité d’honneur de la 6ème édition des rendez-vous EVE.
Pour rattraper notre retard sur la décarbonation, électrifier les flottes ou développer le multimodal ne suffira pas. Il faut repenser la logistique : rapprocher production – distribution – consommation et favoriser des boucles locales.
Un défi majeur pour un secteur qui doit constamment s’adapter à l’évolution des habitudes de consommation et des flux qui en découlent. Exemple avec la démocratisation de l’économie circulaire qui – pour récupérer, recycler, réutiliser – génère davantage de flux inverses et locaux.
C’est précisément dans cette complexité que le Programme EVE a joué un rôle clé depuis 2018 : outiller, structurer et accompagner les entreprises pour transformer leurs engagements en résultats mesurables et valorisables.

Huit ans d’actions, de résultats et de témoignages inspirants.
Depuis son lancement, le Programme EVE a rassemblé une communauté de plus de 4 000 acteurs – industriels, distributeurs, transporteurs et commissionnaires – unis autour d’un même objectif : réduire durablement l’empreinte carbone du transport et de la logistique.
Structuré autour de ses trois dispositifs phares — FRET21 pour les chargeurs, Objectif CO₂ pour les transporteurs et EVcom pour les commissionnaires de transport — le programme a su créer un langage commun et faire adopter une méthodologie pour piloter la transition énergétique du secteur.
Lors des rendez-vous EVE 2025, les accomplissements partagés ont parlé d’eux-mêmes :
- 3,9 millions de tonnes de CO₂ évitées soit 10 % des objectifs nationaux de réduction des émissions de CO₂ dans le secteur des transports et de la logistique.
- 15,2 % de réduction moyenne des émissions par entreprise engagée (au-delà de l’objectif initial de 5 %)
- 46 % de la flotte française engagée via Objectif CO₂
- 527 chargeurs engagés dans FRET21
- 189 commissionnaires impliqués dans EVcom
La donnée : le deal breaker à solutionner
Le programme a également donné naissance à la PFE-DET, la plateforme nationale d’échange de données environnementales, conçue pour aider transporteurs et donneurs d’ordre à standardiser et partager leurs indicateurs d’émissions de gaz à effet de serre (GES).
Un outil prometteur, mais encore insuffisamment exploité par un secteur qui reste, trop souvent, sous-équipé sur le plan numérique.
Récompensée du trophée du « Meilleur partage d’informations environnementales », Isabelle Salva, co-gérante des Transports Salva, en a fait le constat :
« Pour garantir la fiabilité et le partage des données environnementales, nos outils informatiques doivent communiquer entre eux. Sans interopérabilité, la démarche devient vite trop lourde à gérer et risque, à terme, d’être abandonnée. »
Car sans données fiables, impossible de construire des plans d’actions efficaces ni de mesurer et valoriser leurs résultats.
Un message clair qui résonne bien au-delà de son entreprise : si la dynamique du Programme EVE est réelle, la digitalisation des process reste une condition indispensable pour accélérer la décarbonation du transport et de la logistique.
La transition écologique n’est pas un centre de coûts
Un des enseignements majeurs portés par les 15 entreprises lauréates du rendez-vous EVE 2025 : la performance environnementale ne prend tout son sens que lorsqu’elle sert directement la compétitivité.
Sur scène, les entreprises adhérentes partagent des initiatives qui illustrent parfaitement ce consensus.
- Danone et Carrefour ont remplacé 900 trajets en camion par an grâce à un acheminement ferroviaire entre une usine et un entrepôt — une initiative RSE qui rime avec économies logistiques.
- Kiabi livre ses client finaux sur les derniers kilomètres à vélo électrique, réduisant ses émissions tout en gagnant en compétitivité sur les délais de livraison.
Vous l’aurez compris, la décarbonation n’est plus un coût, c’est un avantage concurrentiel durable.
Autre consensus partagé par la communauté qui réunit donneurs d’ordre et transporteur : la décarbonation doit se faire en partenariat entre chargeur et transporteur. Timothée Bertier, directeur distribution de Primagaz, récompensé par le trophée de la « Meilleure performance chargeur en 2024 » le rappelle dans un témoignage à découvrir dans le Podcast de la logistique durable 🌱.

Et après ? Cap sur 2026 et l’après-EVE.
Le Programme EVE tirera officiellement sa révérence le 31 décembre 2025, mais sa dynamique, elle, ne s’éteindra pas. Dès janvier 2026, la gestion des labels FRET21 et Objectif CO₂ passera entre les mains de l’AFNOR Certification, chargée d’assurer les audits, la labellisation et le suivi des économies d’émissions réalisées.
Ce transfert marque une transition vers davantage d’autonomie pour les entreprises : si le dispositif perdure, son financement ne sera plus soutenu par les Certificats d’Économies d’Énergie. Les coûts d’audit, compris entre 2 500 € et 3 800 € selon la taille de la structure, seront désormais intégralement à leur charge.
« Capitaliser sur les outils et les méthodes d’EVE est essentiel : ils ont fait leurs preuves et doivent continuer à guider les entreprises. »
Maëva Tholance, cheffe de service Transport et Mobilité à l’ADEME.
L’institution travaille déjà à un nouveau programme CEE prévu pour 2026, afin de maintenir la dynamique collective. L’objectif : garantir aux acteurs du transport et de la logistique — qui restent d’importants contributeurs via la fiscalité sur les carburants notamment — un accès équitable aux dispositifs de financement pour leurs investissements de décarbonation.
Au-delà des aides, c’est toute une vision à long terme qu’il s’agit de consolider : donner de la stabilité et de la visibilité sur les trajectoires d’électrification, d’aménagement du territoire et de transition énergétique, pour encourager les décisions d’investissement et ne pas rompre l’élan amorcé depuis 2018.
Témoignage
« Le transport ne représente que 2 % de l’empreinte carbone de Castorama »
Comment Castorama intègre ses magasins à sa stratégie RSE pour réduire les kilomètres à vide. Découvrez le témoignage de son directeur transport et logistique.
Conclusion : un avant et un après-EVE.
En huit ans, le Programme EVE aura profondément marqué le paysage du transport et de la logistique :
- une méthodologie éprouvée, transposable à tous les maillons de la chaîne,
- des indicateurs communs qui rendent les résultats comparables,
- et surtout, une communauté d’entreprises mobilisées autour d’un objectif partagé : faire de la décarbonation un moteur de performance.
L’après-EVE ouvre un nouveau chapitre : celui d’une logistique responsable, mature et autonome.
Les subventions s’effacent, mais les convictions demeurent. La collaboration, la mesure et la valorisation des efforts restent les piliers d’une transformation qui s’accélère.
Pour les acteurs du secteur — et pour des entreprises à impact comme MagicPallet, engagée dans la réduction des kilomètres à vide et le réemploi des emballages — l’enjeu est clair : poursuivre la décarbonation en y trouvant du sens, du rendement et de la compétitivité.
Car la logistique de demain ne sera pas seulement plus verte. Elle sera, surtout, plus intelligente.
